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Le Bureau Des Mondes - Prologue

À travers la narration, j’élabore un reflet du monde. Dans ce cas précis, je me concentre sur son ombre, comprise au sens large. Le monde de l’ombre, ou l’ombre de notre monde, n’est pas seulement à appréhender comme un simple réservoir de ténèbre mais aussi comme un double, une forme d’essence des êtres et des choses ou encore, comme la manifestation de l’invisible, de l’impalpable et de l’informulable. L’ombre est l’envers du visible, c’est qui se trouve derrière la surface des apparences, ce qui est sous-estimé ou ce à quoi on ne prête pas attention. D’une certaine manière, elle représente les chemins de traverse et la petite histoire.


Écrire est une manière pour moi d’aborder la réalité sous le couvert de la fiction. Dans cette optique, j’ai écrit le Bureau Des Mondes, un texte dans lequel je décris le monde d’Umbrea Mundi et de sa gigantesque tour. Son modèle architectural reflète le fonctionnement de ma pensée, de mon rapport à l’art et de mon point de vue sensible sur le monde. Les éléments d’architectures y revêtent autant le statut d’objets réels que de notions métaphoriques.
La tour d’Umbrea est une idée, une structure de la pensée et de l’imaginaire. En perpétuel mouvement, elle a été conçue pour accueillir et faire coexister de multiples intérêts, formes ou productions. 

 

Plus qu’un système imaginé pour dépeindre une vaste, mais non linéaire interprétation du monde, Umbrea Mundi m’a permis de me construire une plage infinie de liberté, un territoire encore ouvert aux innovations et aux constructions ainsi qu’un terrain affranchit des normes sur lequel déployer mon paysage de création. 

Le Bureau des mondes

Prologue

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Tout commence dans un monde perpendiculaire au nôtre. Il ne faut pas confondre avec un monde parallèle, mais bien vous l’identifier comme un monde perpendiculaire dans l’acception ou bien qu'ayant sa propre intégrité structurelle, il est rattaché au nôtre par de nombreux points de liaisons entrelacés. C'est comme si certains éléments faisaient partie des deux mondes à la fois. La plupart des conditions d’existence ressemblent trait pour trait à celles de notre monde connu. Je pense par exemple à la gravité qui fait qu’un objet lâché dans le vide tombera du haut vers le bas ou encore au fait que l’air, soit composé comme ici, à 78 % d’azote, 21 % d’oxygène et 1 % de gaz divers et variés fabriqués par l’homme.

 

Cependant, comme vous vous en doutez, s’il y a des similitudes, il y a aussi des dissemblances. D’autres éléments, qui sont de l’ordre du détail, sont assez différents de la réalité que nous percevons. Je pense notamment au fait que ce monde ne soit pas composé d’une planète ronde, mais bel et bien de trois disques superposés l’un sur l’autre, tous contenus dans une bulle atmosphérique se déplaçant dans l'univers selon une trajectoire inconnue. Ayant ses propres règles, il obéit toutefois aux lois de la physique quantique ce qui fait de lui un monde de probabilités et de possibilités. Pour information, ce monde est couramment appelé Umbrea Mundi, ou le monde de l’ombre, pour des raisons évidentes sur lesquelles je reviendrais plus tard.

 

Mais ce qui doit retenir notre attention aujourd’hui, c’est la tour d’Umbrea. Une tour visible d’un bout à l’autre des trois disques monde. Au cours de mes voyages dans Umbrea, j'ai pu recueillir de nombreux témoignages quant à son aspect général. Parmi les différentes versions, j'évoquerais celle d'une structure monumentale suspendue dans les airs. Son squelette serait fait de poutres de métal lourd et de plastique dense habillées de briques de pierre et de parois de verre en lévitation. Au premier abord, elle semble être immuable et immobile pour toute l’éternité. Le plus étrange, c’est qu’en y regardant de plus près, on pourrait se rendre compte de ses métamorphoses. On pourrait observer d’infimes mouvements et mutations de sa structure générale, parfois si lents ou aux contraires si rapides qu’ils seraient difficilement percevables à l’œil nu.

 

Ce qu’il est important de souligner ici, ce n’est, non pas son aspect ou encore sa nature, mais bel et bien la fonction de cette tour. Les classes populaires d'Umbrea l'appel « Bureau des mondes ». C'est en réalité une gare de passages inter-dimensionnels. Pour appréhender son fonctionnement, je vous laisse imaginer un considérable réseau de ponts, de rails et de routes menant à la multitude d'univers ou de dimensions existantes et qui se croiseraient tous sur le même rond-point pour créer une énorme autoroute invisible. On pourrait tout aussi bien imaginer un gigantesque portail qui aurait la faculté de contenir en lui-même une multitude d’autres portails, comme un gigantesque gruyère labyrinthique de poupées russes.

 

Par ailleurs, de par l'un des mystères insondables comme il en existe parfois, il est notable de constater que la tour est indissociable du monde d'Umbrea. Elle est la colonne vertébrale qui supporte les trois disques monde. En outre, elle est aussi le cœur qui irrigue de voyageurs et d’innovations diverses, tous les organes, muscles et ligaments de ce corps planétaire. Conçue à l’image d’un esprit humain à tiroirs, elle est pleine de méandres, de détours, de recoins perdus et d’espaces enchevêtrés les uns dans les autres et dont l’ouverture et la fermeture semblent se calculer via un algorithme jusque-là indéchiffrable et indéchiffré par personne d’autre que par son gardien ; un homme d’un accueil toujours aussi affable que discret.

 

Aussi loin que remonte sa mémoire, il avait toujours vécu là, sur Umbrea et ce n'est que suite à plusieurs années d'explorations et d'études de sa nature subtile que je compris que le monde de l'ombre n'était pas à appréhender comme un simple réservoir de ténèbres mais plutôt comme un double, un reflet ou encore une image de notre monde connu. Il est l'envers du visible, le royaume de l'informulable et le cadre de l'impalpable. Bien que familier à chacun d'entre nous, il fut parfois qualifié d'inquiétant ou d'étrange. Ces appellations proviennent sans doute du fait qu'il personnifie des continuums qui nous échappent et des profondeurs invisibles sans lesquelles la surface n’existerait pas ou ne serait qu'une fragile coquille vide.

 

C'est de par ces espaces et ces passages que ce monde tangible que nous connaissons tous, est relié à des mondes imaginaires, parallèles, virtuels ou sensibles que nous soupçonnons déjà, mais aussi à d’autres mondes dont nous n’avons même pas encore envisagé l’existence.

Le Bureau des mondes, Prologue //

Texte brut // 2017-2018.

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Le bureau des mondes, Prologue //

Vidéoprojection Noir et blanc , Montage de Damien Cassia //  5'18'' // Vue de l’installation , Grande surface, Bruxelles  // 2018 .

Il s’agit ici d’une présentation du texte du Bureau Des Mondes sous forme de vidéo-projection. J’ai conçu cette version vidéo en découpant le texte pour créer des séquences qui évoquent les intertitres du cinéma muet. J’ai souhaité produire une œuvre diachronique qui met davantage en avant une notion de temps déjà présente dans mon travail.

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Le bureau des mondes, Prologue //

Vidéoprojection Noir et blanc , Montage de Damien Cassia //  5'18'' //  Vue de l'installation Temps d'un espace nuit  au Frac Occitanie Montpellier, France // 2018.

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